Felizitas Ambauen, que retenir de l’imaginaire autour des conflits familiaux à Noël?

Noël a le potentiel de faire remonter de vieilles histoires à la surface. D’anciens schémas sont ravivés alors qu’on croyait s’en être émancipé, et on se sent comme emprisonné dans un rôle du passé. Dans l’épisode 8 de notre podcast, Sabine Meyer et moi en explorons les raisons: l’influence des modèles comportementaux de notre enfance tout au long de la vie.

On observe également le phénomène inverse: on remarque à Noël à quel point on a changé et on a l’impression de ne plus faire partie de sa famille, ce qui suscite aussi des émotions désagréables.

On dit pourtant que Noël est «la fête de l’amour»

Est-ce bien utile? Cette injonction peut aussi nous mettre sous pression. Tout doit être beau. On s’adapte «au nom de la paix».

Cela prend de l’énergie. Les gens font semblant d’être quelqu’un qu’ils ne sont pas. Ils enfilent le drôle de pull de retraité, encaissent et sourient alors qu’ils bouillent intérieurement.

Les gens font semblant d’être quelqu’un qu’ils ne sont pas. Ils enfilent le drôle de pull de retraité, encaissent et sourient alors qu’ils bouillent intérieurement.

Est-ce que cela vaut quand même la peine de faire bonne figure au méchant jeu de Noël?

Rarement. Il est préférable de se demander comment on pourrait changer quelque chose. C’est un meilleur investissement de son énergie.

Je veux changer quelque chose. Comment est-ce que je m’y prends?

Il est nécessaire de bien comprendre la situation avant d’agir. Une réflexion par écrit est tout indiquée: comment est-ce que j’envisage les fêtes de famille? De quoi ai-je peur? Quel serait le scénario du pire – si une catastrophe devait avoir lieu? Que pourrait-il se passer? Et après ça? Est-ce que ça serait grave?

Ensuite, je visualise la situation idéale: qu’est-ce qui devrait se passer autrement? Comment les personnes concernées devraient-elles se comporter? Ne pas hésiter à formuler les scénarios les plus irréalistes: votre père ne dit pas un mot, votre sœur ne vient pas du tout, l’oncle Kurt a changé d’opinion politique du jour au lendemain.

Que se passe-t-il alors?

Cette réflexion permet d’identifier ce qui nous dérange vraiment et ce qu’on aimerait changer. On passe en mode «changement».

Quelle est l’étape suivante?

Je me demande comment je peux influer sur les deux scénarios – la situation catastrophique et la situation idéale. Quelle est ma marge de manœuvre? Je peux par exemple choisir d’aller ou non à la réunion de famille. Quelles seront les conséquences si je n’y vais pas? Sont-elles graves pour moi? Y a-t-il des solutions intermédiaires? Ne pas rester longtemps? Arriver plus tard? Bien choisir mes voisins de table?

Ne pas aller à la fête de Noël en famille – impensable pour beaucoup. Que vont dire les autres?

C’est pourtant une option. Nous ne sommes pas obligés de maintenir les vieilles traditions! Je tiens à le dire clairement: tout le monde a le droit de ne pas aller aux fêtes de famille.

Nous ne sommes pas obligés de maintenir les vieilles traditions! Je tiens à le dire clairement: tout le monde a le droit de ne pas aller aux fêtes de famille.

Cela ne fait pas de nous une mauvaise personne. Mais bien sûr, il faut être prêt à assumer la réaction de ses proches.

Devrait-on parler des conflits potentiels avec sa famille?

Oui, dans l’idéal. On ne peut espérer que les autres changent si on ne leur parle pas de ses craintes. Il peut parfois s’avérer au cours d’une discussion que d’autres partagent le même type de craintes, mais qu’ils n’osaient pas en parler jusque-là. Il est plus facile de changer quelque chose à deux ou à trois.

Mais attention, avant d’entamer une conversation avec sa famille, il est important de savoir exactement ce qu’on souhaite. Au cas où quelqu’un pose la question, on n’a pas envie de répondre confusément: «Bah je sais pas, autrement!»

Les réunions familiales sont souvent compliquées aussi pour la compagne ou le compagnon. Que peut faire la ou le partenaire si elle ou il ne se sent pas bien dans sa belle-famille?

On a le droit de poser des limites lorsqu’on ne se sent pas bien. Les conflits avec la belle-famille sont un sujet régulièrement abordé en thérapie. Ils sont souvent source de tension au sein du couple. Le plus difficile, c’est lorsque la ou le partenaire prend le parti de ses parents, et se place donc dans la position de l’enfant. Nous approfondissons ce sujet dans l’épisode 37 de notre podcast.

Comment peut-on résoudre les conflits avec sa belle-famille?

L’idéal, c’est de discuter de la façon d’aborder la situation au sein de son couple et de rester uni au moment de communiquer avec la famille. Par exemple, la belle-fille viendrait dîner le soir du réveillon, mais pas le 25 ni le 26 décembre.

Les beaux-parents attachés aux traditions risquent de hausser les sourcils.

Ça peut arriver, en effet! Le fait de fixer des limites provoque souvent des émotions négatives. C’est souvent lié à sa propre histoire, à la façon dont sa propre famille réagissait lorsqu’on formulait clairement ses besoins. Il peut être parfois difficile de supporter ces émotions, mais cela fait partie d’un comportement adulte.

Le beau-père prend la mouche et on culpabilise. Ça n’est pas facile à accepter, mais c’est quelque chose qui s’apprend. Sinon, on reste prisonnier de ses vieux schémas.

Les cadeaux peuvent aussi causer des tensions. Que conseillez-vous en la matière?

Renoncer éventuellement au manège des cadeaux. Il peut s’agir d’une décision individuelle ou commune. Si je ne sais souvent pas quoi offrir à une personne et que je n’aime pas non plus ses cadeaux, cela signifie peut-être que nous ne sommes pas suffisamment proches pour nous faire un cadeau.

Certains offrent de l’argent pour ne pas se tromper.

J’ai connu une famille où on ne s’offrait que de l’argent parce que personne ne savait ce qui faisait plaisir aux autres. Après l’échange de cadeaux, chacun se retrouvait avec autant d’argent qu’avant. Ils ont fini par renoncer aux cadeaux.

Un autre classique: la famille décide qu’on ne s’offrira pas de cadeaux, mais malgré cela, vous recevez quand même «un petit quelque chose». Comment réagissez-vous?

Je dis merci. C’est tout. Ce n’est pas mon problème si quelqu’un ne se tient pas à ce qui a été convenu. Je n’ai pas à culpabiliser. Cela regarde la personne qui ne respecte pas les règles.

Doit-on le dire si cela nous gêne quand même?

Oui, mais pas sur le moment et devant tout le monde. Il vaut mieux en parler plus tard entre quatre yeux: «Écoute, j’y tiens vraiment. Je ne fais pas de cadeaux et je ne veux pas en recevoir non plus.» Que ça fonctionne ou non, ça n’est pas de mon ressort. Je peux me positionner, mais pas influencer le comportement d’autrui.

Nous avons beaucoup parlé de conflits et de situations difficiles. Sur quelle recommandation positive pourrions-nous conclure l’interview?

Mon conseil: notez tout ce que vous appréciez de Noël. Quels sont vos moments préférés? Qu’est-ce que vous aimez quand même des fêtes de famille compliquées? Le dessert, le sapin ou le moment où l’oncle Kurt commence à chanter faux après cinq calvados?

Vous vous exercez ainsi à voir du positif dans une situation moyennement agréable. Une attitude ouverte peut naturellement améliorer les choses. Merry Christmas!

Felizitas Ambauen est une psychothérapeute FSP reconnue sur le plan fédéral. Elle a son propre cabinet dans le canton de Nidwald, propose des workshops pour les couples et coproduit le podcast à succès Beziehungskosmos («Cosmos couple») avec la journaliste Sabine Meyer.